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Dans le Studio Gaidai

Dans le Studio Gaidai

 

 

Métro Zoloti Vorota, l’hyper centre de Kiev.  En descendant la rue Prorizna, une discrète vitrine laisse apparaître entre de nombreuses plantes une photographie longue de plus d’un mètre, en noir et blanc, représentant des mères portant leurs nouveaux-nés.  Un peu plus loin dans la vitrine, on peut lire une petite pancarte éclairée « Gaidai Studio », et effectivement, en regardant à l’intérieur du lieu, on voit se dessiner tout un décor de studio photographique. Et pas des moindres ! Igor Gaïdaï fait partie des artistes de renom qui ont  participé à la création d’un paysage artistique autonome depuis l’Indépendance de l’Ukraine il y a vingt ans.

 Studio Gaïdaï


On contourne la rue, on descend quelques marches et on arrive dans l’univers Gaïdaï. On n’est loin, à vrai, dire d’entrer dans une caverne d’Ali Baba, où les photos couvrent les murs dans un artistique désordre. Le lieu est plutôt sobre,  bien que très agréable. De gros fauteuils clubs, un canapé, invitent à se sentir comme chez soi, dans ce temple ukrainien de la photographie. La simplicité, le confort du lieu, reflètent assez justement la personnalité de ses hôtes, le couple Gaïdaï : chaleureux, souriants et toujours prêts  à discuter en français, eux qui adorent la France et y présentent régulièrement leurs travaux.

Mais commençons par l’histoire du studio Gaïdaï et donc du personnage. Igor Gaïdaï a suivit des études de photographies à Kiev à l’Institut du cinéma, lorsque la capitale était encore une ville de province de l’Union Soviétique. Il  débute sa carrière comme photographe de plateau puis fonde le premier studio privé où il se consacre à la photo de publicité alors balbutiante dans une Ukraine devenue indépendante. « Les gens se montraient très intéressés », confie-t-il. Mais dès les années 1975, il se tourne progressivement vers la photographie d’art. Avec un projet ambitieux qu’il va poursuivre pendant sept années : photographier les Ukrainiens. Igor Gaïdaï se dit influencé par le travail de Richard Avedon, les photographes de l’Agence Magnum comme Cartier-Bresson et les photographes humanistes français comme Doisneau.

Et puis, dans le studio,  il y a aussi Nina Gaïdaï, son épouse et collaboratrice de toujours, qui nous raconte d’un sourire radieux, le dernier projet de son mari : photographier les habitants de la région Centre de l’Ukraine. Autant dire une région où il n’y a pas grand chose, et où la vie ne doit pas être tout les jours rose …

 

S’il photographie en Ukraine, ce n’est pas pour autant qu’il se considère comme un photographe ukrainien. Il saisit ce qui l’entoure : l’Ukraine, et il se sent photographe, « juste photographe ». L’Ukraine. C’est pourtant bien là que son succès est culminant, son amour pour son pays, pour les milles visages de ses habitants, forment indéniablement le cœur de son travail photographique et en constituent sa richesse. Parfois, il part en Crimée, dans les Carpates, ou dans une autre contrée lointaine pour photographier une famille de paysans, un mariage traditionnel, ou, de retour à Kiev, des jeunes femmes nues sur des balais, des sorcières ukrainiennes en plein vol. Le musée de l ‘Arsenal à Kiev lui a consacré à l’automne dernier une rétrospective sur l’ensemble de son travail : une consécration. Son projet Razom qui signifie « Ensemble » a fait beaucoup de bruit et l’a conduit à exposer à Londres, et aux  prestigieux festivals de la Photographie de Toulouse et d’Arles. Dans cette série, qui s’enrichit au fil des ans, il photographie des groupes à la façon des portraits de groupes du siècle dernier.  Village réunit autour du Pope le jour de la Pâques orthodoxe, rassemblement de centaines de cyclistes pour une course à Kiev, école primaire, mineurs de la région de Donetsk, personnel d’une centrale… Avec ses imposants portraits (un mètre sur trois), chaque personnalité ressort de l’anonymat créé par le groupe et nourrit la fierté d’appartenir à un ensemble.

 Studio Gaïdaï


De retour dans le studio, quelques tirages de ses différentes séries arpentent les  murs, comme un rappel discret des histoires et des secrets qui imprègnent chaque image. En remontant les marches vers la sortie, on garde un sourire aux lèvres, ravi d’avoir discuté avec les maîtres des lieux. Et, en s’éloignant dans l’animation de l’après midi, on décide de les élever au rang de peintres ou de poètes d’une Ukraine contemporaine, bien plus complexe à décrypter que son éternelle et simpliste qualification par un grand nombre de « pays pauvre de l’Est ».  Et on garde encore longtemps à l’esprit, l’image d’une Ukraine gaie comme ce fermier en charentaises et en mini-short, souriant à pleines dents (du moins de celles qui lui restent) avec une poule sous le bras.

 

 

TIPS / CONSEILS

Adresse :

Galerie Kamera - Studio Gaïdaï

Prorizna 22

01034 Kiev

Le site internet d’Igor Gaïdaï (disponible en anglais)